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L'exigence n'est pas négociable !

Comment savoir si une influence est bonne ou mauvaise ?

L’influence serait bonne ou mauvaise, positive ou négative ? Une notion qui relève plus de la conception commune que d’une réalité scientifique, même si la psychologie sociale s’y est intéressée.

Il n’est pas nécessaire de se questionner pour savoir s’il est juste de considérer qu’il puisse y avoir des influences négatives lorsque l’on fait référence aux traumatismes, à l’aliénation ou à l’endoctrinement pour ne citer que certaines de ses formes les plus parlantes. Tout l’enjeu de cet article est d’entrevoir en toute humilité si l’on pourrait par l’argumentation arriver à définir si l’influence peut être bénéfique de façon générale, en fonction du contexte, en toute honnêteté et vigilance intellectuelle.

Plus simplement, peut-on parler de bonne influence ? Existe-t-il une bonne influence ? Si une bonne influence existe, dans quelle mesure est-elle identifiable et qu’est-ce qui permet de définir qu’elle est bonne de manière universelle et indubitable dans la totalité de ses effets ?

Pourra-t-on seulement, a priori, répondre à toutes ces questions ? Essayons.

La question de savoir s’il y a des influences moins néfastes que d’autres dans leurs effets, n’en est pas une, c’est tout à fait clair. Que cela soit dans un contexte similaire ou pas.

Il suffit de prendre d’une part le cas du conseil d’un ami dans un contexte similaire de l’achat d’une voiture et d’autre part, le cas de deux sujets ayant des contextes différents.

Le contexte de l’achat d’une voiture, où vous en parlez à un ami, en partant du principe que vous seriez susceptible de suivre le conseil donné et donc d’être influencé :

Vous avez deux enfants de 12 et 14 ans, la voiture de votre conjoint ou conjointe est une citadine, vos activités de plein air en famille sont le surf et le VTT et la distance moyenne que vous parcourez annuellement est de 20 000 km, principalement nationales et autoroutes.

Un premier ami pourrait prendre en compte votre situation et vous conseiller un break familial.

Un autre ami, pourrait-vous conseiller pour un budget similaire, en prenant en compte son propre désir ou la représentation qu’il se fait d’une bonne voiture, comme cela arrive si souvent, de vous orienter vers un modèle plus sportif, tel un coupé sport.

Si nous analysons les effets de ces conseils d’un point de vue purement pratique, car il est possible de l’analyser sous bien des angles, alors, si nous supposons que les trajets de vacances et les activités de plein air seront plus compliqués nous pouvons conclure simplement ici qu’il y a une influence qui pourrait poser plus de problèmes que l’autre, a priori : le conseil lui proposant un coupé sport.

Il est possible dans cette situation de prendre un autre point de vue, celui du « plaisir de conduite », ce qui est fort subjectif mais l’idée içi est de rester en surface sur la question des représentations, alors dans ce cas le conseil le plus néfaste serait inverse au précédent : le conseil lui proposant le break familial.

Vous pourrez objecter que dans cet exemple, beaucoup d’éléments du contexte et des critères de choix ont été mis de côté pour juger de la nature de l’influence et vous aurez parfaitement raison.

Nous pouvons aussi conclure autre chose : pour tenter d’évaluer les effets de l’influence il faut faire énormément de postulats ce qui rend toute conclusion naturellement hautement conditionnelle.

Dans le cas de deux sujets ayant des contextes différents maintenant, reprenons des cas tout simples du quotidien :

Un ami va vous conseiller sur la marque et le modèle du téléviseur que vous devriez acheter, car il est censé mieux s’y connaître.

Un autre ami vous conseillera sur le choix d’un psychologue pour trouver des solutions à vos problèmes de couple, car il en a entendu du bien.

Veuillez noter que je place les influenceurs en position de sujets supposés savoir (statut d’autorité), ce qui leur donne un pouvoir d’influence supérieur, cela a été démontré par la psychologie sociale. C’est ce qu’on appelle l’« autorité de la source » pour ceux qui voudraient faire des recherches annexes.

Le conseil potentiellement le plus néfaste dans ses effets sera bien sûr celui du psychologue, car après tout si vous choisissez le mauvais téléviseur, vous serez certainement agacé par quelques bricoles, mais l’impact profond sur votre vie sera moindre que si vous choisissez de mettre votre vie de couple entre les mains d’un psychologue peu compétent.

Je le répète on est bien ici dans l’évaluation de la potentialité du sérieux des problèmes pouvant survenir en suivant l’un ou l’autre de ces conseils.

Nous venons de le voir, il est clair qu’il existe des influences moins néfastes que d’autres. Mais existe-t-il une bonne influence et peut-on définir de quoi il s’agirait ?

Le problème n’est pas si simple, car comment définir qu’une influence est bonne, quelles sont ses caractéristiques et aux yeux de qui l’est-elle ?

Comme je l’introduisais dans un autre article, si l’on prend le problème du point de vue social, la pensée commune pourrait considérer qu’une « bonne » influence serait celle d’un ami qui va tirer un étudiant vers le civisme ou la connaissance, plutôt que vers la délinquance ou l’ignorance.

A première vue, on s’accorde facilement à considérer cet exemple comme une bonne influence, car l’on part du principe qu’elle n’a en apparence aucun mauvais côté.

Évidemment, cela va dépendre des valeurs et représentations de chacun, mais il n’y a aucune échelle de notation ou de valeur de l’influence ni aucun outil permettant d’évaluer ou quantifier la nature de son impact. La psychologie sociale construit des expériences, certes, mais celles-ci se basent sur des sujets précis et sur la perception des individus.

C’est donc dans l’approfondissement du niveau de détail de ses effets potentiels que l’on va pouvoir s’en faire une représentation plus précise, encore qu’elle soit dépendante des représentations de chacun ce dont on va tenter de faire abstraction. D’un point de vue général bien sûr. Bref, je vais tenter de simplifier sans fausser le raisonnement. À vous de considérer si je réussis.

Explorons la question du civisme et de la connaissance pour évaluer, a priori, si tirer un enfant vers elles pourrait être considéré comme une « bonne » influence :

Je vais donc tenter d’utiliser un exemple qui montrer le contraire.

N’y a-t-il pas  des êtres possédants de grandes connaissances et ayant reçu une éducation civique de qualité transmise par l’école et la famille qui ont fini par inventer et développer des armes de destructions massives comme la bombe atomique ?

N’y en a-t-il pas d’autres qui ont décidé de les utiliser ?

Je pense que l’on peut partir du principe que des hauts gradés militaires ou un chef d’État, ont reçus une éducation civique et ont indubitablement une formation de haut niveau et les connaissances nécessaires à l’atteinte de ces fonctions ou il y a très peu d’élus.

Nous pouvons aussi projeter sur ces individus des valeurs, un grand sens moral et tout ce que nous imaginons qu’ils devraient posséder.

Je cherche ici simplement à appuyer mon propos et il ne faut pas non plus faire l’amalgame entre la connaissance et le civisme et l’intelligence et l’humanité.

Du coup, j’en déduis bien ici qu’il est important d’avoir une connaissance précise du sens des mots et qu’il faut faire une différence entre la perception de quelque chose d’un point de vue général et la réalité d’une situation spécifique potentielle ou effective.

En d’autres termes, ce qui en apparence, civisme et connaissances, peut-être un peu rapidement considérées comme une bonne influence, peut s’avérer plus tard, dans les faits, avoir été plus néfaste que le fait d’être devenu un petit délinquant local ou même un meurtrier. Surtout si l’on se réfère au concept si souvent traité dans les films américains du « greater good », pouvant tout justifier (le bien collectif, le souci de ce qui est bénéfique au plus grand nombre). En l’occurrence, je le précise, car c’est bien de militaires et d’un chef d’état américain dont nous parlons ici dans notre exemple. Mais j'aurais pu choisir d'autres exemples dans l'histoire de n'importe quel autre pays du monde. Pour aller plus loin, c’est encore le cas, même si l’on compare un meurtrier en série face aux effets d’une bombe atomique lâchée sur une ville ! Et je ne soutiens aucune argumentation visant à expliquer que ce qui se passe en temps de guerre est justifié par le contexte, ce serait comme tenter de justifier les exactions de l’église au temps où elle cherchait par tout moyen à imposer le dieu unique d’une façon qui allait à l’encontre de son action et des croyances et des valeurs qu’elle cherchait à promouvoir. Il y a dans ces deux exemples une justification de l’action profondément insoutenable et insensée.

En conclusion, je considère que pour définir en partie si une influence est bonne ou mauvaise, cela ne peut se faire a priori, mais bien uniquement en appréciant à la fois le contexte et la finalité. La finalité étant ici le moment où il sera possible par l’individu de considérer dans les faits que son action, née de cette influence initiale, en pouvant l’isoler dans le continuum de sa vie, est bénéfique ou néfaste pour lui-même ou pour les autres de façon indubitable. Dans une situation idéale ou l’individu n’ait pas une représentation biaisée de la réalité.

Nous pouvons prendre un autre exemple lié à l’orientation. Il faut quand même à un moment donné que je replace le débat dans le contexte de ma spécialité. Un professeur principal conseille une voie à un élève qui la choisit et y trouve un métier dans lequel il prend plaisir toute sa vie, sans remise en question ou période de doute. Cet individu pense profondément qu’il est épanoui et qu’il a eu la meilleure vie professionnelle possible. Quand bien même il n’a pas conscience que compte tenu de sa personnalité, ses priorités, ses valeurs et ce qui a du sens pour lui il aurait pu être éventuellement encore plus épanoui dans un autre métier, cela n’a pas d’incidence sur lui, puisqu’il ne base son ressenti et sa perception de son existence que par rapport à ce qu’il connaît.

Par conséquent, nous en revenons au concept simplissime qui part du principe que ce que vous ne savez pas ne vous fait pas de mal (What you don’t know won’t hurt you).

Il en va de même, s’il se voile la face et qu’il croit pertinemment être heureux dans son travail sans l’être, ne voyant pas tous les signes extérieurs qui pourraient l’amener à remettre en question ses représentations et ses ressentis. Que les représentations de l’individu soient fondées ou non et s’approchent le plus possible de la réalité telle qu’elle est et non telle qu’elle est perçue ne change pas son sentiment d’avoir choisi le bon travail et d’être heureux. Dans ce contexte, les mots représentation, sentiment, perception sont interchangeables.

Je parle ici d’une réalité « stricte » et idéale, la réalité de fait, par exemple que le ciel est bleu ou que les sapins sont verts. Je ne parle donc pas du concept de réalité du point de vue de la psychologie et de la psychologie sociale plus particulièrement ou celle-ci est considérée comme une représentation de l’individu, impliquant dès lors, pour simplifier, qu’il y a plusieurs réalités.

Nous pouvons créer le lien ici avec les employés victimes de max out dans le sens ou ceux-ci, n’ont pas conscience du peu de sens de leur travail, ont une perception de la réalité déformée en se considérant heureux et épanouis et ou leur sentiment d’épanouissement n’est qu’un processus de défense psychique. Je ne vous en propose ici qu’une description très sommaire et je vous renvoie à mon article dédié sur ce syndrome pour une description plus complète.

Pour en revenir à l’étudiant influencé dans son choix d’orientation, je considère donc pouvoir conclure, que pour lui, in fine, l’influence de son professeur principal était une bonne influence, puisque c’est la représentation qu’il en a. Pour d’autres, avec plus d’éléments concernant sa personnalité et un schéma de vie hypothétique précis d’une autre activité professionnelle et avec des critères d’observations objectifs, il se pourrait qu’ils considèrent que c’était une mauvaise influence. Nous tombons dans la diversité des points de vue pour évaluer une influence, celui de l’individu même et celui des autres, quel que soit leur groupe.

Même si un panel de juges était capable d’extrapoler un schéma réaliste de ce qu’aurait pu être sa vie, ses accomplissements, ses joies, quantifier son épanouissement et de déterminer avec certitude qu’un autre métier aurait pu le rendre plus …, cela n’en ferait pas de fait, à l’origine, une mauvaise influence.

Cela dit, ce sont avant tout les perceptions de l’individu qui nous intéressent, si l’on considère qu’il ne connaît pas et ne peut prendre en compte la perception qu’ont les autres de lui, de sa vie et de son travail et que cela n’a donc pas d’influence sur lui.

Dans cet exemple du choix de carrière, seul l’individu peut selon moi définir si une influence est « bonne » ou « mauvaise », pour lui et ne peut s’envisager qu’en comparant, à terme, une fois que ses effets sont définitifs, deux situations, deux parcours de vie, dont l’une est hypothétique, et les deux perceptions qu’elle en a de celles-ci. La première situation issue de l’influence identifiée, la deuxième hypothétique, qui serait le produit d’une autre influence ou d’une absence d’influence. Compte tenu de ces éléments, c’est impossible.

J’en conclus qu’une influence ne peut être évaluée que par sa victime, si elle en a conscience et si ses représentations qu’elle a des effets de cette influence sont inscrite dans une réalité stricte et via un processus qu’elle ne peut mettre en œuvre et qui ne peut avoir dans tous ses aspects des fondements dans le réel.

Autrement dit, il est parfaitement incohérent de vouloir qualifier une influence de bonne ou mauvaise.

Après une recherche rapide, je n’ai pu trouver dans la littérature ou sur Internet d’éléments précis et vraiment pertinents sur la question. Il apparaît qu’il est communément accepté de considérer qu’une influence est bonne ou mauvaise sans évaluer ses effets à long terme, sans dimension temporelle et sans plus d’approfondissement comme si on pouvait se satisfaire d’une représentation rapide, floue, subjective et dénuée de sens.

Lorsque nous la détectons et l’identifions, nous jugeons a priori de ce qui nous influence ou pourrait influencer l’autre en la qualifiant rapidement selon nos propres représentations. Représentations biaisées par notre idée de la réalité.

J’ai d’abord trouvé quelques éléments à propos de la bonne et mauvaise influence sur un site de développement personnel, ce qui n’en fait en rien une approche très sérieuse, nous le verrons. J’ai également trouvé une recherche en sciences sociales que je présenterai à la suite.

Puisque que c’est en accès libre pour quiconque fera une recherche sur le sujet il est important de la mentionner, voici pour commencer l’exemple d’une réflexion sur la bonne et mauvaise influence du site penser et agir https://www.penser-et-agir.fr/se-faire-influencer/   une recherche du type « comment ne pas se faire influencer » dans votre moteur de recherche vous en offrira beaucoup d’autres dans le même genre. Je vais utiliser un tout petit extrait qui sera bien suffisant.

Tout d’abord, voici comment l’auteur du site se présente : « Après avoir obtenu mon Master en Sciences à l’Université de Nantes en 2009, je travaille pendant 4 ans en tant qu’ingénieur d’études auprès des plus grands noms français de l’aérospatiale, du nucléaire et du militaire. En février 2012, alors que je ne trouve plus aucun sens dans mon métier, je crée Penser et Agir. C’est ainsi que je renoue avec mes passions : la psychologie, le développement personnel et l’entrepreneuriat. J’adapte à la psychologie et au développement personnel la logique et la structure des raisonnements que j’ai acquis en tant qu’ingénieur d’études pour créer ma propre approche : le développement personnel par l’Action. Aujourd’hui, penser et agir, c’est plus de 100 000 visiteurs par mois, plus de 150 000 abonnés à la newsletter et plus de 3 000 personnes qui m’ont déjà fait confiance en suivant mes programmes en ligne. »

Avant de vous proposer l’extrait du site, je vais avoir besoin d’introduire l’auteur Dale Carnegie qui a écrit « Public Speaking and Influencing Men in Business » il y a quelques dizaines d’années et republié sous son titre actuel « Comment se faire des amis et influencer les autres » en 1936, puisque l’article le mentionne. Autant dire que les choses ont évolué depuis qu’il a été écrit. C’est un livre écrit à l’origine pour motiver les vendeurs et les managers et cela se sent puisque c’est le contexte de la plupart des exemples. Nous pouvons trouver des analyses, comme celle de Wikipedia qui indique que ses méthodes tentent de faire émerger « une sincérité intentionnelle », je ne suis pas d’accord sur ce point, mais cela serait trop long de s’y intéresser dans cet article.

Voilà donc ce que l’on peut lire sur le site Penser et agir :

« Premièrement, la méthode carnegie suggère de bannir la critique et le blâme entre amis. Les humains sont naturellement réfractaires à la critique, et s’éloignent instinctivement de ceux qui veulent les influencer par la critique, le blâme ou les reproches. En suivant cette règle de la méthode carnegie, vous vous ferez facilement de bons amis qui vous influenceront en bien.

La deuxième phase de la méthode carnegie consiste à féliciter honnêtement et sincèrement. Les amis qui félicitent et encouragent les autres poussent leurs congénères à faire de même. Tant que vous êtes connu pour être une personne sincère dans vos félicitations, vous vous ferez facilement de bons amis. Cette méthode carnegie marche à tous les coups, même sur ceux qui ont un état d’esprit défaitiste. Alors, profitez-en, et félicitez à tout-va.

La troisième astuce de la méthode carnegie consiste à motiver les autres quand on veut les pousser à agir d’une certaine façon. Pour influencer, ne ressemblez pas aux maîtres chanteurs et adeptes du narcissisme. Motivez plutôt. Montrez à votre interlocuteur qu’il est capable d’accomplir ce que vous lui suggérez, et il sera ravi de le faire. C’est là la seule manière d’influencer positivement une personne. »

Titre de paragraphe : « Penser différemment pour éviter de se faire influencer »

« Voici une vérité que vous ignorez peut-être : les mauvaises comme les bonnes influences s’attirent.

Quand on a tendance à se faire des amis influençables, il faut se poser ces questions :

    Pourquoi sont-ils si nombreux autour de moi ?

    Serait-ce parce que j’ai moi-même tendance à influencer les autres négativement ?

    Pour éviter de se faire influencer, est-ce que je dois influencer les autres en bien ?

 

Leçon ? Il y a des chances que ceux qui vous influencent soient eux aussi plus ou moins influencés par vous-mêmes. Ne plus se laisser manipuler, c’est donc commencer dans certains cas par éviter d’influencer négativement les autres. Voici une piste pour cultiver des pensées positives avec la musique. »

Voici une copie d'écran à télécharger en pdf de l'article du site Penser et Agir.

Il y a véritablement quelque chose à dire sur l’influence, dans le texte, à chaque phrase, mais je crois que vous aurez compris qu’il s’agirait d’une entreprise assez vaine. C’est malheureusement symptomatique de ce que vous rencontrez en permanence sur la toile et dans certains ouvrages.

Je pense qu’il s’agit d’un exemple frappant ou le fond, l’articulation, le manque d’argumentation et de logique du discours montre à quel point il est primordial de développer un esprit critique pour contrer l'influence constante à laquelle nous sommes confrontés. Je suis dubitatif lorsque je pense que ce type de contenu peut être lu par 100 000 visiteurs par mois et plus de 150 000 abonnés à la newsletter. Alors bien sûr certains (beaucoup) ne sont pas dupes et leur radar a dû les alerter à de nombreuses reprises à la lecture de l’extrait qui pour le coup est une véritable mine d’or.

Pour rester sur la question de la bonne et mauvaise influence, je vais extraire des éléments de l’extrait qui concernent uniquement ce sujet.

Je vous avoue quand même qu’avant de commencer, j’ai le sentiment que des textes de ce type, donnés en pâture aux esprits de cette manière, pourrait faire renoncer le plus sérieux des convaincus de l’importance de son action.

La liberté de parole paraît une évidence, mais on entrevoit ici la réelle problématique et le côté obscur du concept surtout lorsque l’on fait le parallèle avec celui de « bruit ou brouillard de l’information » représenté par la pluralité de sources et d’articles sur un même sujet tous plus futile les uns que les autres et qui ensevelissent les articles de qualités.

Critique superficielle de l’extrait de l’article :

« vous vous ferez facilement de bons amis qui vous influenceront en bien. »

Les termes « bons amis » « influenceront en bien » sont subjectifs et mériteraient d’être défini, détaillé et argumenté. Sous cette forme, cela n’a aucun sens et ne permet pas de comprendre ce qu’il entend par « influencer en bien ».

« Motivez plutôt. Montrez à votre interlocuteur qu’il est capable d’accomplir ce que vous lui suggérez, et il sera ravi de le faire. C’est là la seule manière d’influencer positivement une personne. »

Que l’autre pense que l’on est capable de faire ce qu’il nous demande suffirait donc à nous donner envie de le faire. C’est une déformation de ce qu’explique Carnegie dans son livre qui est en réalité une méthode de manipulation des employés pour qu’ils se remettent à bien bosser, sans créer de conflit ou de problèmes.

Ce qui est déclaré est discutable en soi et sous cette forme, c’est faux. Si ma femme me demande de faire la vaisselle en m’expliquant que j’en suis capable ou même qu’elle me complimente sur tous les aspects de ma technique qui font de mon un plongeur professionnel afin de me brosser dans le sens du poil pour me donner envie de conforter ma réputation, cela ne va absolument pas me donner envie de la faire.

Il faut prendre conscience d’une distinction très importante, que la plupart des lecteurs ne font peut-être pas. Le cadre professionnel et personnel ne peuvent pas être amalgamés, le cadre, contexte et relation de pouvoir entre autres choses sont bien différents. Et d’autre part, la manipulation / influence ne marche pas à tous les coups. Il s’agit ici d’une généralisation hasardeuse.

Ensuite, il faudrait expliquer en quoi cette influence est positive, j’apprécierai une démonstration.

Autre déclaration d’apparence péremptoire : « la seule manière ». Affirmer une telle chose ne peut se passer d’argumentation.

Passons à la phrase suivante : « Voici une vérité que vous ignorez peut-être : les mauvaises comme les bonnes influences s’attirent. »

Pour l’auteur il s’agit d’une vérité : Les mauvaises et les bonnes influencent s’attirent !

Peut-être serait-il nécessaire de développer et argumenter une telle affirmation.

Et je finirais par ce dernier extrait :

« Ne plus se laisser manipuler, c’est donc commencer dans certains cas par éviter d’influencer négativement les autres. »

Au-delà de mes problèmes de compréhension de cette phrase qu’elle soit prise dans son contexte ou en dehors, nous ne savons pas ce qu’est « influencer négativement les autres », pour l’auteur.

Pour conclure brièvement sur ces extraits, je ne comprends pas comment l’auteur peut conceptualiser une telle débauche d’affirmations, qui n’ont sous cette forme aucun lien logique entre elles qui soit explicité, sans s’en expliquer. Nous ne sommes pas plus avancés sur la question de la bonne et la mauvaise influence et la façon de les identifier.

Je vous invite maintenant si vous ne l’avez pas déjà fait à relire mon article sur l’influence « 5 étapes simples pour se protéger de l’influence » qui approfondit l’importance de bien questionner la légitimité de la source et son discours.

Le problème ici, c’est que beaucoup comprendront son discours par projection et écho avec leur propre vécu, par exemple, et ces éléments seront malheureusement parfois adoptés en nouvelles croyances sans plus d’approfondissement.

Il nous faut maintenant approfondir la question de l'influence et de la manière dont nos représentations façonnent nos opinions rapides sur leur caractère bon ou mauvais.

Passons à l’expérimentation en science sociale sur la question de l’influence et leurs représentations : Les relations d’influence et leurs représentations, Stéphane Laurens, dans la Revue européenne des sciences sociales, 2014/2 (52-2) que vous pouvez consulter sur cette page.

Voici le résumé que fait l’auteur de la recherche : « L’analyse de 238 descriptions de situations d’influence (recueillit lors 18 entretiens semi-directifs) permet de décrire le lien entre les effets positifs versus négatifs attribués à l’influence et la nature de la relation d’influence. Nos résultats indiquent que l’influence est décrite comme ayant des effets négatifs lorsque la source est inconnue ou lointaine. À l’inverse dans les situations décrites comme vécues par nos informateurs, ou lorsque la source est proche, les effets de l’influence sont positifs. Il semble que dans les représentations de nos informateurs, la possibilité d’établir une relation réciproque serait liée à des effets positifs de l’influence (ou négatifs en cas d’influence asymétrique). »

Il est véritablement primordial de bien comprendre que la perception qu’a l’individu d’une chose ne reflète en rien sa réalité. Par contre, cette chose est réelle, pour lui. Il s’agit donc d’une recherche en psychologie sociale sur la perception qu’ont les gens de l’influence bonne ou mauvaise, qui sont des évaluations qualitatives communément usitées. Il ne s’agit donc pas réellement de pouvoir définir ce qu’est une bonne ou une mauvaise influence et comment le vérifier, mais bien uniquement de définir la perception qu’a un individu d’une influence et en quoi celle-ci est plutôt positive ou négative en fonction de la source. Cette étude ne cherche donc pas à déterminer ce qui pourrait permettre de définir ce qu’est une bonne ou mauvaise influence ou s’il est seulement possible d’utiliser une telle qualification. La réalité de cette qualification est donc implicitement validée dans cette recherche.

Population de l’étude :

« 18 entretiens semi-directifs (d’environ 1 h 30) auprès de 9 hommes et 8 femmes (enseignants, journaliste, informaticien, commercial, retraité, étudiants, policier, éditeur, employé d’administration, gestionnaire d’établissement de loisir, ouvrier mécanicien, chômeur) »

Est-ce un échantillon suffisamment représentatif ?

Attachons-nous rapidement aux résultats :

  • Les participants opposent bonne et mauvaise influence, hors contexte et cela forme la base de leur réflexion.
  • « Les effets sont généralement évalués à partir des conséquences de l’influence sur la personne influencée. »
  • « Parfois c’est à partir de l’intention (par exemple altruiste ou égoïste) de celui qui exerce une influence qu’est évalué l’effet produit. »
  • Cette évaluation amorce la réflexion, mais n’apparaît plus dès lors que l’on entre dans la description des situations d’influence.

Les participants sont généralement en position d’influencés.

Une influence vécue aura tendance à être évaluée positivement. Les situations non vécues sont jugées néfastes à 71 %.

Les influences négatives mentionnées ne concernent que sectes, médias, politique et religion, toutefois rarement vécues en général.

En ce qui concerne les influences positives :

Les effets de l’influence sont toujours décrits positivement entre amis, et très souvent positivement dans la famille (87,5 %) et l’éducation (83,3 %).

Selon les participants, certaines influences positives conduisent à la socialisation à l’intériorisation des normes de groupe. Elles viennent de personnes ayant un statut supérieur, reconnu comme compétent, expérimenté et s’appliquent sur des personnes moins compétentes ou expérimentées permettant de les former. Enfin, dans ces domaines, les participants soulignent régulièrement les intentions positives de ceux qui exercent consciemment une influence : ils veulent aider, conseiller, transmettre leurs valeurs. La notion d’influence mixte apparaît dans la perception de certains participants, une influence qui ne serait ni bonne ni mauvaise.

Tirer des conclusions à partir d’un échantillon aussi mince me paraît osé.

Il y a selon moi quelques éléments importants que révèle cette étude et que les auteurs ne mentionnent pas.

L’individu préfère penser que l’influence subie a été bénéfique.

Mais qu’est-ce qui le pousse à s’en convaincre ? Nous pouvons supposer a priori qu’il s’agit d’un mécanisme de défense ou d’adaptation sous la forme d’un biais cognitif. Il serait intéressant de creuser la question.

Les représentations et croyances de chacun n’ont de valeur et de sens en soi que pour eux même et peuvent être même totalement stupides pour d’autres, ne pas pouvoir être argumentés, d’ailleurs elles peuvent ne pas représenter du tout l’opinion publique, cette personne peut faire partie d'un tout petit groupe de personnes dans le monde à penser cela. Je vais extraire quelques exemples de propos des participants tirés de l’étude, pour que vous puissiez comprendre mon propos :

« Quand celui qui a le pouvoir menace et impose ses idées, l’influence n’est pas réciproque, pas saine. » 

Cela sous-entend que c’est plus sain lorsque l’influence est réciproque, que l’on peut influencer à son tour l’autre.

Nous sommes ici en train de rejoindre le discours de l’auteur du blog cité précédemment.

En quoi est-ce plus sain ? Cela reste à démontrer. Est-ce que beaucoup de gens partagent cette même conception ?

« L’influence familiale et amicale, c’est-à-dire les amis qui nous soutiennent et qui sont là pour nous aider au moment où on est en train de sombrer ou de chuter, eh bien cette influence […] est positive parce que c’est un soutien. » Cela sous-entend qu’un soutien est une influence, et ensuite que tout soutien est une influence positive. On peut se demander ici si le participant à la même définition des mots influence et soutien que celle du dictionnaire. Dans une étude de ce type, s’assurer d’un référentiel commun au niveau du vocabulaire et de la définition des différents termes sur lesquels porte l’étude me paraît être indispensable. Quoi qu’il en soit, le soutien d’un proche n’est pas forcément une influence ! Aider un ami à faire les courses après une opération n’est pas de l’influence et, dans un autre contexte, il y a beaucoup d’individus qui savent écouter sans donner de conseils et heureusement, écouter n’est pas influencer. Nous sommes ici face à une conception totalement emprisonnée dans les croyances personnelles et souvent les individus ont tendance à croire que ce qu’ils vivent ou pensent est vécu ou pensé par d’autres, que leur pensée est en quelque sorte « normée ». Si l’on ne peut démontrer qu’un soutien est une influence alors il est encore moins possible de démontrer que cette influence est positive car c’est un soutien.

Surtout que, le soutien qu’un individu pourrait apporter à un de ses amis souffrant de dépression, pensant que cela l’aidera et l’influencera positivement, pourrait être de l’inciter à ne plus se laisser aller avec un commentaire du type : «  Mais bouge-toi, va faire du sport ! ». Cela serait très loin d’être effectivement positif dans le sens ou cela pourrait par exemple le culpabiliser ou l’infantiliser et vous risqueriez de renforcer son sentiment de dévalorisation alors que cela n’était pas du tout l’effet escompté. Cet exemple nous permet de conclure quelque chose d’intéressant : l’influence perçue comme positive par l’émetteur peut être perçue comme négative par le récepteur et voir même avoir des effets négatifs selon lui ou dans les faits. Un argument de plus montrant bien qu’elle est totalement dépendante des représentations et que pour la qualifier il est indispensable d’en évaluer les effets définitifs objectivement, et ce par l’individu influencé. Ce qui ne nous sauve aucunement du pouvoir des représentations de cet individu, normes, système de valeurs, etc.

Le deuxième aspect dont nous avons déjà parlé et qui ressort ici, c’est que le contexte est primordial pour pouvoir donner du sens aux propos et soit les individus n’en ont pas donné, soit les chercheurs n’ont pas pensé utile ou important de les mentionner.

Prenons une autre citation du panel de l’étude.

« un enfant […] c’est un buvard, c’est assez facile de savoir ce qu’il se passe et ce qu’il se dit autour de lui. C’est une forme d’influence et en tant que parents je crois qu’on en use beaucoup, mais de manière bienfaisante systématiquement évidemment. »

On retrouve ici la croyance que beaucoup de parents instrumentaliseraient leurs enfants pour faire du commérage et qu’il s’agit d’une influence bienfaisante. Ou bien ai-je mal compris ? Quoi qu’il en soit les mécanismes sont les mêmes que dans l’exemple approfondi ci-dessus. L’individu à tort ou à raison considère sa croyance comme normalisée. Par contre, le fait qu’il considère cette influence comme bienfaisante serait à expliquer et argumenter.

Cela pose les limites d’une expérimentation basée sur la perception des gens. Et peu de gens en l’occurrence pour la recherche ci-dessus. On est là sur une des failles principales de tous les travaux sur la perception des individus. Celle-ci étant biaisée et relative à leurs connaissances, leurs normes, systèmes de croyances et leur éducation, il est rarement pertinent d’en tirer des généralités qui puissent servir de base solide à d’autres travaux à moins qu’ils soient eux aussi basés sur la perception.

On peut supposer que si l’un de ces individus avait eu une connaissance plus approfondie des techniques de manipulation marketing et politique et des problématiques d’influence quotidienne au sein de la famille, de l’école et du travail, des données plus pertinentes auraient pu remonter. Bref, dans de telles expériences, l’érudition de la source est un paramètre central, point que nous avons déjà identifié.

Nous pouvons finir cette analyse en mentionnant que le point central qui est vérifié par cette étude et que nous avions déjà identifié est bien que les individus se font une idée à priori de la nature d’une influence, sans approfondissement, sans analyse de ses effets définitifs et rapidement pour qu’elle soit simplement conceptualisable et exprimable.

En ce sens, je rejoins les travaux de Moscovici (1994) et l’analyse de Lalli, Pina. « Représentations sociales et communication », Hermès, La Revue, vol. 41, no. 1, 2005, pp. 59-64. » « lorsqu’il nous propose de transformer le concept des représentations collectives en “phénomène des représentations sociales” (1984). Il remarque qu’un type spécial de représentations a la capacité de combiner des aspects hétérogènes dans une unité n’ayant pas forcément besoin de consistance logique — dans le sens strict du terme — mais plutôt d’une consistance pratique qui puisse faire face aux situations très diversifiées des sociétés contemporaines. Il nous propose une distinction entre l’univers réifié de la science et le monde consensuel de la vie quotidienne : c’est dans celui-ci qu’il nous invite à reconnaître une pensée sociale naïve, “d’amateurs”. (…) C’est une pensée qui aime les analogies, pressée par la hâte de parvenir à des conclusions efficaces, soit par la conversation triviale et sociable, soit par des contraintes conduisant à des pôles extrêmes plutôt qu’à un consensus fondé sur une médiation rationnelle ou majoritaire. Son but est d’abord l’efficacité pratique face aux interférences et aux informations inconnues, qui atteignent des individus se trouvant au carrefour de flux communicatifs multiples. Ce sont des flux qui débordent, par exemple, de l’univers scientifique pour migrer dans les horizons de l’expérience pratique ordinaire, par des moyens techniques de communication de plus en plus répandus. »

En soi, il s’agit pour les individus de se forger une représentation du monde social et de ses interactions dans une forme très simplifiée afin de pouvoir s’en forger une représentation rapide et utile.

Si nos représentations sociales forgent des formes déterminées de signification et notre réalité, pourquoi c’est à partir de celles-ci que l’on tente d’appréhender l’influence. Si l’influence ne peut s’évaluer qu’en fonction de la finalité de ses effets et à travers les représentations de sa victime, alors est-il seulement possible de le faire.

Pour tenter de rendre possible, l’impossible, la simplification et la pensée commune apparait inévitable. Il est probablement moins angoissant d’avoir une fausse idée de la réalité plutôt qu’avoir conscience qu’on ne peut en avoir une vraie ?

J’ai tendance à penser que si nous concluons que l’on ne peut en évaluer ni en contrôler les effets, il est peut-être temps de tenter d’en contrôler son usage.

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