Les tests d'intelligence comportent un biais social influencés par une logique scolaire
Les tests d'intelligence, comme le WISC-IV, sont souvent utilisés pour identifier les enfants surdoués. Cependant, Dousson critique ces tests dans le chapitre 2 de sa thèse, en soulignant qu'ils sont plus influencés par des logiques scolaires et sociales que par une mesure objective de l'intelligence. Elle écrit : "Ces tests sont conçus dans un cadre éducatif spécifique et favorisent certaines compétences sur d'autres, reflétant ainsi des biais culturels et sociaux". Cette critique est en ligne avec les travaux de Stephen Jay Gould, qui dans "The Mismeasure of Man" argue que les tests d'intelligence sont fréquemment biaisés et ne mesurent pas une capacité innée, mais plutôt une conformité à des normes culturelles.
Les tests d'intelligence, comme le WISC-IV (Wechsler Intelligence Scale for Children), sont fréquemment utilisés pour identifier les enfants surdoués, en se basant sur des scores de QI (Quotient Intellectuel) élevés. Cependant, Léa Dousson critique ces tests dans le chapitre 2 de sa thèse, en argumentant qu'ils sont davantage influencés par des logiques scolaires et sociales que par une véritable mesure objective de l'intelligence. Elle observe que ces tests ne sont pas neutres et universels, mais qu'ils sont conçus dans un cadre éducatif spécifique, qui favorise certaines compétences au détriment d'autres, ce qui introduit des biais culturels et sociaux significatifs.
Dousson souligne que le WISC-IV, comme d'autres tests d'intelligence, valorise principalement des compétences verbales et logico-mathématiques, qui sont généralement cultivées dans les milieux sociaux privilégiés, où l'exposition à des activités éducatives formelles et informelles est plus courante. Par conséquent, les enfants issus de ces milieux sont souvent mieux préparés pour répondre aux types de questions posées dans ces tests, ce qui peut leur donner un avantage injuste par rapport aux enfants venant de milieux moins favorisés.
Par exemple, les questions de vocabulaire ou de compréhension verbale présentes dans le WISC-IV peuvent refléter une familiarité avec un langage académique ou des concepts qui sont plus courants dans les familles dans lesquelles les parents ont un niveau d'éducation élevé. Ces parents sont souvent en mesure de fournir un environnement riche en stimulations intellectuelles, telles que des discussions complexes, des lectures avancées, et une exposition à des activités culturelles, qui sont toutes des expériences valorisées par ces tests.
Dousson critique également le fait que ces tests sont normés sur des populations spécifiques, généralement issues de milieux urbains, occidentaux et économiquement privilégiés, ce qui renforce les biais culturels. Les enfants qui grandissent dans des contextes culturels différents ou qui parlent une langue différente à la maison peuvent être désavantagés non pas parce qu'ils manquent d'intelligence, mais parce que les compétences qu'ils ont développées ne correspondent pas à celles valorisées par le test.
En outre, Dousson mentionne que les tests comme le WISC-IV sont construits autour de normes scolaires qui reflètent ce que le système éducatif valorise. Par conséquent, ces tests sont plus une évaluation de la conformité aux attentes scolaires qu'une véritable mesure des capacités intellectuelles innées. Cela est particulièrement problématique car il crée une corrélation artificielle entre succès scolaire et intelligence, qui peut ignorer ou sous-estimer d'autres formes d'intelligence ou de talent, comme la créativité, les compétences pratiques ou sociales, qui ne sont pas mesurées par ces tests.
Cette critique rejoint les préoccupations de plusieurs chercheurs en psychologie et en éducation, qui ont argumenté que les tests d'intelligence, loin d'être des outils neutres, peuvent en réalité perpétuer des inégalités en renforçant des conceptions étroites de ce qu'est l'intelligence. Howard Gardner, par exemple, a proposé la théorie des intelligences multiples, qui suggère qu'il existe plusieurs formes d'intelligence (linguistique, logico-mathématique, spatiale, musicale, kinesthésique, interpersonnelle, intrapersonnelle, naturaliste), et que les tests traditionnels de QI ne capturent qu'une fraction de ces capacités【Gardner, 1983】.
Cette critique est en résonance également avec les travaux de Stephen Jay Gould, un paléontologue, biologiste et historien des sciences, qui dans son livre "The Mismeasure of Man" (1981) explore en profondeur les biais inhérents aux tests psychométriques. Gould argue que ces tests, loin d'être des instruments objectifs et neutres, sont en réalité profondément ancrés dans des préjugés culturels et sociaux. Il démontre que les tests de QI (Quotient Intellectuel), qui sont souvent perçus comme des mesures d'une intelligence innée et fixe, sont en fait le reflet des normes culturelles de la société qui les a conçus.
Gould expose plusieurs points critiques :
1. Biais Culturels et Sociaux : Gould montre que les questions posées dans les tests de QI sont souvent biaisées en faveur des classes sociales dominantes, qui ont une plus grande familiarité avec les références culturelles et linguistiques utilisées. Par exemple, un enfant issu d'un milieu social défavorisé peut obtenir un score inférieur non pas parce qu'il est moins intelligent, mais parce que le test ne tient pas compte de son contexte culturel et éducatif différent.
2. Le Mythe de l'Objectivité : Il conteste l'idée que les tests de QI puissent mesurer une intelligence "pure" ou "objective". Selon Gould, ces tests sont construits sur des hypothèses erronées concernant la nature de l'intelligence, la réduisant à une série de capacités facilement quantifiables. Il souligne que cette approche simplifie à l'extrême un phénomène complexe et multidimensionnel.
3. Historique de la Manipulation Scientifique : Gould démontre également comment, historiquement, les tests d'intelligence ont été utilisés pour justifier des politiques eugénistes et des théories racistes, en prétendant mesurer des différences innées entre les groupes humains. Ces tests ont été manipulés pour soutenir des idéologies discriminatoires, ce qui souligne le danger d'utiliser de tels outils sans une compréhension critique de leurs limites.
4. L'intelligence comme Construction Sociale : Enfin, Gould soutient que l'intelligence ne peut pas être comprise uniquement comme une capacité biologique innée, mais qu'elle est aussi le produit de contextes sociaux et historiques. Les résultats des tests de QI sont donc autant une mesure de l'adaptation à un environnement culturel particulier qu'une indication des capacités intellectuelles.
En somme, la critique des tests d'intelligence par Gould met en évidence que ces outils sont loin d'être des mesures neutres et objectives. Ils reflètent des normes culturelles spécifiques et peuvent perpétuer des inégalités sociales en prétendant légitimer des différences "naturelles" qui sont en réalité socialement construites. Cette perspective est essentielle pour comprendre les limites des tests comme le WISC-IV, et pour questionner leur rôle dans la catégorisation des enfants comme surdoués.
Références
- Dousson, Léa. Comment façonne-t-on un "surdoué" ? Analyse de la socialisation à l'œuvre dans les familles d'enfants catégorisés à "haut potentiel intellectuel". Thèse de doctorat, Université Lumière Lyon 2, 2022. URL : https://hal.science/tel-04653863
- Gould, Stephen Jay. The Mismeasure of Man. New York: W.W. Norton & Company, 1981.
- Gardner, Howard. Frames of Mind: The Theory of Multiple Intelligences. New York: Basic Books, 1983.
- Wechsler, David. The Measurement and Appraisal of Adult Intelligence. Baltimore: Williams & Wilkins, 1939.
- Binet, Alfred, and Simon, Théodore. The Development of Intelligence in Children (The Binet-Simon Scale). Baltimore: Williams & Wilkins, 1916 (Original work published 1905).