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L'exigence n'est pas négociable !

Publicités déguisées en journalisme : le "Native Advertising"

Le journalisme, pilier de l'information et de la démocratie, se trouve aujourd'hui à un carrefour éthique en raison de l'émergence des publicités déguisées en articles journalistiques, une pratique connue sous le nom de "native advertising". Des publications prestigieuses, telles que "Le Point" en France, ont recours à de telles pratiques, où la frontière entre le contenu rédactionnel et publicitaire s'estompe, soulevant des questions cruciales sur l'intégrité et la crédibilité des médias. Ils m’ont d’ailleurs personnellement sollicité pour une telle action marketing déguisée, d’où la naissance de cet article.
La pratique du "native advertising" s'inscrit dans un contexte où les médias cherchent de nouvelles sources de revenus face à la diminution des recettes publicitaires traditionnelles. Cette technique consiste à créer du contenu sponsorisé qui imite le style et le format des articles journalistiques réguliers. Bien que cette approche soit lucrative, elle pose un défi majeur en termes d'intégrité éditoriale et de transparence.

Dans son ouvrage The Content Trap (2016), Bharat Anand discute de la manière dont les médias se sont retrouvés piégés dans une quête de contenu qui, tout en attirant les annonceurs, compromet souvent leur intégrité journalistique. Le "native advertising" est un exemple parfait de ce piège : il offre une solution financière attrayante pour les médias mais crée un conflit entre les intérêts commerciaux et les responsabilités journalistiques. Qu’advient-il alors de l’impartialité, du sens et de l’objectif des mots ? Des journaux comme The New York Times et The Guardian ont également expérimenté avec cette forme de publicité. Bien que ces publications maintiennent généralement une distinction claire entre contenu rédactionnel et contenu sponsorisé, la ligne devient floue dans de nombreux cas, surtout dans les médias numériques où la navigation entre les articles est souvent rapide et moins attentive.

Les conséquences de cette pratique ne sont pas négligeables. Une étude de l'Université de Stanford (2015) a révélé que de nombreux lecteurs ont du mal à différencier les articles sponsorisés du contenu journalistique traditionnel. Cette confusion peut conduire à une méfiance croissante envers les médias, avec des répercussions potentiellement graves sur la perception publique de l'objectivité et de la fiabilité des informations proposées, quel que soit la source, qui aujourd’hui avec L’IA, la création de contenu visant prioritairement le référencement Internet ainsi que les motivations marketing contribue à la génération d’un bruit informationnel qui ne permet plus vraiment aux articles de qualité de surnager.

La confiance est un élément crucial dans la relation entre les médias et leur audience. Lorsque les lecteurs sont confrontés à des contenus qui brouillent intentionnellement la ligne entre journalisme et publicité, leur confiance dans le média peut être sérieusement érodée. Une étude publiée dans le Journal of Advertising (2016) a révélé que les publicités natives, lorsqu'elles ne sont pas clairement identifiées comme telles, peuvent induire le public en erreur. Mais l’objectif de naviguer entre deux eaux est bien clair, ce n’est pas le hasard, pour optimiser l’impact d’un opération publicitaire présenté en article de fond d’un média d’importance, il est bien question d’influencer les lecteurs par le biais d’autorité que représente la marque du média. Si le New York Times ou Le point fait un article sur vous, ce n’est pas la même chose que si vous faites une publicité par leur intermédiaire pour présenter votre activité.
Cette méfiance, lorsque le native advertising est repéré, s’aggrave clairement dans un contexte médiatique où les fausses informations et la désinformation sont des préoccupations croissantes.

Les journalistes sont tenus de respecter des principes éthiques tels que la transparence, l'objectivité et l'indépendance, enfin, c’est ainsi dans la pensée collective qui est d’ailleurs renforcée par les représentations cinématographiques hollywoodiennes usuelles. Cependant, lorsque les médias se livrent à des pratiques de publicité native, ces principes sont compromis. Les journalistes peuvent se retrouver sous pression pour produire des contenus qui attirent les annonceurs ou qui répondent à leurs exigences, au détriment de l'objectivité et de l'indépendance journalistique. Ce conflit est souligné dans l'ouvrage Blur: How to Know What's True in the Age of Information Overload (2010) de Bill Kovach et Tom Rosenstiel, où les auteurs discutent des défis auxquels sont confrontés les journalistes dans un paysage médiatique en mutation. Ces journalistes sont tributaires également des canaux de rémunérations assurant leur subsistance qui sont en pleine transformation depuis les années 2000 et l’arrivée d’Internet.

Dans le cas spécifique de "Le Point", qui adopte le "native advertising", en vendant des espaces pour des publicités déguisées à des tarifs élevés soulève des questions sur la dépendance financière envers les revenus publicitaires en demandant jusqu'à 2900 euros hors taxes, somme qui m’a été précisée pour un article sponsorisé, a trouvé le moyen de transformer une publicité usuelle en quelque chose qui apparait comme du contenu de qualité, recherché et validé par un travail d’investigation jornalistique. Aujourd’hui, la vraie question est de savoir s’ils arriveront à faire machine arrière.
Ce dilemme est illustré dans The News Media: What Everyone Needs to Know (2016) de C.W. Anderson, Leonard Downie Jr., et Michael Schudson, où les auteurs examinent les enjeux économiques auxquels sont confrontés les médias dans l'ère numérique.

La prolifération du "native advertising" dans les médias traditionnels et numériques a un impact significatif sur l'écosystème médiatique global. Comme l'explique Franklin Foer dans World Without Mind: The Existential Threat of Big Tech (2017), la course au contenu sponsorisé et la dépendance aux revenus publicitaires modifient la nature du journalisme. Cette mutation affecte non seulement la qualité et l'authenticité du contenu journalistique, mais aussi la manière dont le public perçoit et interagit avec les médias. La frontière floue entre contenu rédactionnel et publicitaire peut conduire à une confusion généralisée, alimentant la défiance envers les médias et exacerbant le phénomène de "fake news".

Les implications de cette pratique vont au-delà du secteur des médias et touchent les fondements mêmes de la démocratie. Un journalisme indépendant et fiable est essentiel pour une société démocratique informée. Dans The Elements of Journalism: What Newspeople Should Know and the Public Should Expect (2014), Kovach et Rosenstiel soulignent l'importance de la séparation entre la rédaction et le commerce comme pilier du journalisme. Lorsque cette séparation est compromise, c'est toute la structure de l'information publique qui est menacée, avec des conséquences potentielles sur la gouvernance et la participation civique.

Les réactions du public face à la découverte de publicités déguisées en articles journalistiques varient, mais tendent vers une méfiance croissante. Par exemple, lorsque des lecteurs du Guardian ont découvert que certains de leurs articles "indépendants" étaient en réalité sponsorisés, cela a suscité des critiques et une remise en question de la crédibilité du journal. De tels incidents soulignent la nécessité pour les médias de maintenir une transparence claire et de respecter les attentes de leur lectorat en termes d'intégrité et de fiabilité. Les médias doivent explorer des modèles économiques innovants qui ne dépendent pas uniquement des publicités. Des options comme les abonnements payants, les modèles de financement participatif, ou les partenariats avec des institutions éducatives et culturelles peuvent offrir des alternatives viables.

Une partie de la solution réside également dans l'éducation et la sensibilisation du public. Les lecteurs doivent être mieux informés sur la nature des publicités natives et apprendre à les identifier. Cette sensibilisation peut être réalisée à travers des campagnes d'information, des articles explicatifs, et des initiatives éducatives. L'objectif est de renforcer la littératie médiatique des consommateurs d'informations, leur permettant de faire la distinction entre les différents types de contenu.

Le native advertising est une technique de création de contenu qui est de la publicité sous forme d’article véritablement pernicieuse et manipulatrice.

 

Références :
•    Anand, B. (2016). The Content Trap: A Strategist's Guide to Digital Change. Random House.
•    Foer, F. (2017). World Without Mind: The Existential Threat of Big Tech. Penguin Press.
•    Kovach, B., & Rosenstiel, T. (2014). The Elements of Journalism: What Newspeople Should Know and the Public Should Expect. Three Rivers Press.
•    Anderson, C.W., Downie Jr., L., & Schudson, M. (2016). The News Media: What Everyone Needs to Know. Oxford University Press.
•    Boorstin, D. J. (1962). The Image: A Guide to Pseudo-Events in America. Harper & Row.
•    Turow, J., & Hoofnagle, C. J. (2012). The Daily You: How the New Advertising Industry Is Defining Your Identity and Your Worth. Yale University Press.

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