L’orientation professionnelle et le rôle des performances académiques : une hérésie.
Les notes, vos matières préférées ou celles dans lesquelles vous avez des facilitées doivent-elles être prépondérante dans votre orientation ?
Allons même plus loin, faut-il les prendre en compte ?
Dans le labyrinthe complexe de l'orientation professionnelle, la boussole traditionnellement utilisée pour guider les jeunes vers leur avenir professionnel a été, de manière presque incontestée, les performances académiques. Ce paradigme, profondément ancré dans les systèmes éducatifs et les mentalités, considère les notes, les compétences spécifiques dans certaines matières et les préférences scolaires comme les indicateurs privilégiés pour cartographier et guider les chemins de carrière. Pourtant, cette approche, bien que rassurante dans sa simplicité et sa familiarité, soulève des interrogations critiques tant sur sa pertinence que sur son efficacité dans le paysage professionnel en constante évolution d'aujourd'hui.
Au cœur de cette problématique se trouve une question fondamentale : les performances académiques sont-elles réellement le reflet le plus fidèle des potentialités, des passions, des envies et des capacités futures d'un individu ? Cette question soulève des doutes non seulement sur la validité de l'utilisation des notes comme principal critère d'orientation, mais aussi sur la philosophie sous-jacente de l'éducation et du développement personnel. En effet, en mettant l'accent presque exclusivement sur les résultats scolaires, on risque de négliger des aspects essentiels du développement individuel tels que la créativité, l'innovation, la résilience et, surtout, la capacité à évoluer et à s’adapter, si tant est que ces compétences, finissent un jour par être cruciales pour l’évolution professionnelle, et avec l’émergence de l’IA, c’est probablement une réalité.
L'orientation basée sur les performances académiques traduit une vision du monde et de la carrière qui privilégie la linéarité, la prévisibilité et une certaine forme de déterminisme, toute comme celle qui se base sur la personnalité comme on a pu le voir dans un article précédent. Dans ce modèle, les élèves sont souvent perçus comme des récipients dans lesquels on verse des connaissances, avec l'attente que leur futur professionnel soit en quelque sorte prédéterminé par leur capacité à retenir et à restituer ces informations. Or, cette perspective est en décalage avec la réalité contemporaine d'un monde professionnel qui valorise l'adaptabilité, la polyvalence et la capacité à apprendre continuellement et y compris à notre façon d’accéder à l’information via l’ordinateur, Google et maintenant L’IA. Il y a 30 ans, la connaissance durable était incontestablement nécessaire. Aujourd’hui ce qui est incontestablement nécessaire, c’est de savoir trouver la bonne information, l’évaluer et en critiquer ses sources et l’utiliser de manière opérationnelle, soit par plaisir soit dans le but d’accomplir une tâche rémunérée.
De plus, en se focalisant sur les performances académiques, on risque d'exclure ceux qui, pour diverses raisons, ne se conforment pas aux normes établies de réussite scolaire, mais qui possèdent néanmoins des talents et des compétences précieuses. Cette exclusion n'est pas seulement préjudiciable à ces individus, mais aussi à la société dans son ensemble, qui se prive ainsi d'un éventail de talents et de perspectives diversifiées, je pense aux créatifs ou aux surdoués, mais pas que.
Dans cet article, nous plongeons dans une analyse critique de l'orientation professionnelle basée sur les performances académiques, en examinant ses limites, ses implications et en explorant des approches alternatives qui reconnaissent et valorisent la richesse et la diversité des capacités humaines. Notre objectif est de démontrer que l'orientation professionnelle doit être repensée pour devenir un processus plus inclusif, dynamique et adaptatif, capable de préparer efficacement les individus à naviguer dans un monde professionnel complexe et en mutation rapide.
Les Limites Intrinsèques des Performances Académiques
L'approche traditionnelle de l'orientation professionnelle, qui se base largement sur les performances académiques, semble à première vue logique et objective. Cependant, cette méthode présente des limites intrinsèques significatives qui méritent une analyse approfondie. Les performances académiques, souvent mesurées par des notes et des évaluations standardisées, sont perçues comme des indicateurs de l'aptitude d'un individu pour certaines carrières. Pourtant, cette perspective simplifie de manière excessive la complexité des talents humains et ignore les multiples facettes qui contribuent au développement y compris professionnel d'un individu.
La première limite majeure de cette approche est son réductionnisme. Les notes scolaires, bien qu'utiles pour évaluer certaines compétences académiques, ne reflètent pas l'intégralité des capacités d'un individu. Comme le souligne Howard Gardner dans sa théorie des intelligences multiples, les individus possèdent une variété de compétences et de talents qui ne sont pas toujours mesurables par les standards académiques traditionnels (Gardner, 1983). Par exemple, un élève peut avoir des compétences exceptionnelles en leadership, en pensée critique, ou en créativité, qui ne sont pas nécessairement évaluées dans le cadre scolaire classique.
Les notes sont également influencées par une multitude de facteurs externes qui peuvent fausser leur représentativité en tant qu'indicateurs de connaissance ou encore de compétences personnelles ou professionnelles. Des facteurs tels que le milieu socio-économique, le soutien familial, l'accès aux ressources éducatives, et même la qualité de l'enseignement reçu, jouent un rôle crucial dans les performances académiques d'un élève (Sirin, 2005). Ainsi, les notes peuvent davantage refléter ces conditions externes que les véritables compétences ou intérêts d'un élève.
L'orientation basée sur les performances académiques ignore également la plasticité et l'évolutivité du développement humain. Les intérêts et les compétences ne sont pas statiques ; ils évoluent avec le temps, l'expérience et l'exposition à de nouveaux environnements et défis. Des études ont montré que les intérêts professionnels et les compétences peuvent se développer et changer tout au long de la vie, remettant en question la pertinence de baser les décisions d'orientation uniquement sur les performances académiques précoces, ou même, pour faire ici le lien avec l’autre article, sur des aspects de la personnalité (Savickas, 2005).
Enfin, cette approche tend à exclure ou à sous-évaluer des compétences non académiques mais essentielles dans le monde professionnel moderne. Des qualités telles que l'intelligence émotionnelle, la capacité à travailler en équipe, ou la flexibilité cognitive, qui sont de plus en plus valorisées dans diverses carrières, ne sont pas toujours visibles ou mesurables à travers les résultats académiques (Goleman, 1995).
Le Danger du Déterminisme Précoce et de la Subjectivité
Nous sombrons ici dans la question du déterminisme et Savickas n’a pas été le seul à s’intéresser à cette question. Selon la théorie du développement de la carrière de Super (1990), les intérêts et les capacités d'un individu se développent et se modifient à différentes étapes de la vie. L'orientation basée sur les performances académiques précoces peut donc limiter injustement les perspectives d'un individu, en ne tenant pas compte de sa capacité à acquérir de nouvelles compétences ou à développer de nouveaux intérêts.
L'orientation basée sur les matières préférées ou les performances dans certaines matières peut être extrêmement subjective. Les préférences scolaires des élèves sont souvent influencées par des facteurs tels que la qualité de l'enseignement, les interactions avec les enseignants, et les influences familiales et culturelles. Cette subjectivité est soulignée par Eccles et Wigfield (2002), qui notent que les intérêts et les préférences scolaires sont souvent façonnés par les attentes et les valeurs de l'environnement de l'élève, plutôt que par de véritables affinités ou aptitudes.
Une orientation strictement basée sur les performances académiques tend à ignorer ou sous-évaluer les compétences transversales, qui sont pourtant cruciales dans le monde du travail. Les compétences telles que la pensée critique, la résolution de problèmes, la collaboration, et l'adaptabilité, sont souvent développées en dehors du cadre strictement académique et ne sont pas directement mesurables par les notes scolaires. Ces compétences, pourtant essentielles à la réussite professionnelle, sont négligées dans un système d'orientation basé uniquement sur les performances académiques.
Mais bien sûr, l’évaluation des connaissances ou des compétences basées uniquement sur un système de notation expose ici toute son incohérence et son infirmité pour s’adapter au besoin des élèves d’une part, mais également à celui du système et des entreprises. Aujourd’hui, pour rentrer chez Google, il faut nettement plus de qualités personnelles qu’un simple carnet de bonnes notes.
Les Alternatives à l'Orientation Basée sur les Performances Académiques
Dans le contexte actuel de l'orientation professionnelle, où la primauté des performances académiques commence à être remise en question, des méthodes alternatives complètes telles que le coaching scolaire et étudiant, et en particulier le coaching d'orientation, se révèlent cruciales. Cette approches offre une perspective plus intégrée et diversifiée, axée sur la personnalisation et la prise en compte de toutes les facettes de l'individu.
Au-delà des notes et des performances dans des matières spécifiques, ce coaching s'intéresse à une compréhension holistique des élèves et des étudiants. Il s'agit de découvrir leurs véritables intérêts, leurs aspirations profondes et leurs compétences intrinsèques, souvent masquées derrière les résultats scolaires. Cette approche est en parfaite adéquation avec la théorie de l'apprentissage expérientiel de Kolb (1984), qui souligne l'importance de l'expérience personnelle dans le développement des compétences et des connaissances. En se focalisant sur des aspects tels que les motivations personnelles, les objectifs de vie et les compétences interpersonnelles, le coaching permet une exploration plus riche et plus significative des options professionnelles, en aidant les jeunes à aligner leurs choix de carrière avec leurs véritables identités, envies et valeurs.
Le coaching d'orientation est une extension spécialisée du coaching scolaire, qui se concentre spécifiquement sur l'accompagnement des choix de carrière. Cette forme de coaching va au-delà de l'évaluation des compétences académiques pour explorer des domaines tels que les passions personnelles, les forces uniques et les aspirations à long terme. Il est en accord avec les principes du constructivisme social énoncés par Vygotsky (1978), qui reconnaissent que le développement professionnel est influencé par des interactions sociales et personnelles, et non uniquement par les compétences académiques. En adoptant cette approche, le coaching d'orientation aide les individus à envisager un éventail plus large de carrières potentielles, y compris celles qui ne sont pas directement liées à leurs performances scolaires actuelles. Cette méthode encourage les jeunes à explorer activement différentes voies, à réfléchir sur leurs expériences et à établir des plans de carrière qui reflètent aussi leurs personnalités et objectifs uniques.
Les avantages d'une approche complète de coaching sont nombreux et variés. Tout d'abord, elle permet aux élèves et étudiants de recevoir une orientation adaptée à leurs besoins et circonstances individuels, plutôt que de suivre un chemin prédéfini basé sur des critères académiques généraux. Cette personnalisation contribue à une meilleure satisfaction et à un engagement plus profond dans les choix de carrière. De plus, cette méthode encourage le développement de compétences essentielles telles que la prise de décision, la réflexion critique et la connaissance de soi, qui sont inestimables dans le monde professionnel moderne. En outre, le coaching aide à réduire l'anxiété et l'incertitude liées aux décisions de carrière, offrant un espace de soutien où les jeunes peuvent explorer librement leurs options sans la pression des attentes traditionnelles.
Cette approche favorise une plus grande équité en donnant à chaque individu la chance d'explorer et de choisir des carrières en accord avec ses intérêts réels et son potentiel, plutôt que de se conformer à des attentes sociétales ou académiques prédéterminées. De plus, le coaching peut aider, par l’exploration à 360°, à identifier et à développer des talents cachés ou sous-évalués, ouvrant ainsi la voie à des opportunités professionnelles plus diversifiées et enrichissantes.
Conclusion
Contrairement à l'approche traditionnelle des tests, bilans et conseils d’orientation qui privilégie les notes et la personnalité comme principaux indicateurs d’un déterminisme professionnel, le coaching d'orientation prend en compte un spectre bien plus large de facteurs et d’éléments. Il valorise et prends en compte les compétences transversales telles que la pensée critique, la résilience, et la créativité, qui sont souvent négligées dans les évaluations standardisées associant le RIASEC ou le MBTI. Le coach ne doit pas considérer que les performances scolaires sont toujours un reflet fidèle des capacités réelles d'un individu, car l’envie ou la motivation sont rarement le moteur de leurs résultats en 3ème.
Il s’agit d’une méthode qui autonomise l’étudiant et prend en compte que les intérêts, les passions et les compétences des individus ne sont pas figés et peuvent évoluer au fil du temps, en lui donnant un savoir-faire et une façon d’aborder son avenir professionnel qu’il pourra ensuite reprendre lorsque de nouveaux éléments viendront tout réaligner. En s'engageant dans un processus d'exploration et de réflexion continue, le coaching aide les individus à comprendre leur propre évolution et à adapter leurs choix de carrière en conséquence. Cette approche flexible et dynamique est particulièrement pertinente dans un monde professionnel en constante évolution, où la capacité à s'adapter et à se réinventer est cruciale.
Cette ouverture prend en compte non seulement les compétences et les performances académiques, mais aussi les facteurs personnels, sociaux et émotionnels qui influencent les choix de carrière. Cette approche holistique est essentielle pour aider les individus à identifier des carrières qui correspondent non seulement à leurs compétences, leurs goûts, leurs passions, mais aussi à leurs valeurs, à leurs aspirations et à leur personnalité unique et tout autre élément qu’ils considèrent important à prendre en compte pour eux. Elle contribue à une plus grande satisfaction et à un engagement plus profond dans la carrière choisie. En fournissant un soutien individualisé, il aide à surmonter l’influence de la société, de l’éducation et de la scolarité ainsi que les barrières socio-économiques et culturelles qui peuvent influencer les choix de carrière.
Ce type de coaching ouvre la voie à des choix de carrière plus informés, plus diversifiés et plus épanouissants, contribuant ainsi à la construction d'un avenir professionnel plus pertinent et adaptable pour tous les individus. Il ne s’agit plus d’insertion mais bien d’orientation.
Références :
• Gardner, H. (1983). Frames of Mind: The Theory of Multiple Intelligences. Basic Books.
• Sirin, S. R. (2005). Socioeconomic Status and Academic Achievement: A Meta-Analytic Review of Research. Review of Educational Research.
• Savickas, M. L. (2005). The Theory and Practice of Career Construction. In S. D. Brown & R. W. Lent (Eds.), Career Development and Counseling: Putting Theory and Research to Work. John Wiley & Sons.
• Goleman, D. (1995). Emotional Intelligence. Bantam Books.
• Super, D. E. (1990). A Life-span, Life-space Approach to Career Development. In D. Brown & L. Brooks (Eds.), Career Choice and Development. Jossey-Bass.
• Eccles, J. S., & Wigfield, A. (2002). Motivational Beliefs, Values, and Goals. Annual Review of Psychology.
• Passarelli, A. M., & Kolb, D. A. (2012). Using Experiential Learning Theory to Promote Student Learning and Development in Programs of Education Abroad. Student Learning Abroad.
• Kolb, D. A. (1984). Experiential Learning: Experience as the Source of Learning and Development. Prentice Hall.
• Vygotsky, L. (1978). Mind in Society: The Development of Higher Psychological Processes. Harvard University Press.